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Blogue de la Bouche du tigre: Notes sur l’anatomie et la physiologie : La sténose rachidienne

Article #14

Article original en anglais publié le 10 juin 2010

Traduction française, révisée et approuvée le 12 oct. 2010

Dans le dernier article, nous avons examiné la discopathie dégénérative dans la colonne lombaire, un problème fréquent chez les humains de nos jours.

Compte tenu des nombreuses pièces mobiles qui forment la colonne, il n’est pas surprenant que les douleurs du bas du dos et des jambes aient un certain nombre de causes différentes. La moelle épinière et ses enveloppes méningées, les vertèbres elles-mêmes, les articulations des facettes vertébrales, ainsi que les ligaments, les muscles, les tendons et l’aponévrose (le fascia) qui se moulent sur la colonne, sont toutes des sources possibles de problèmes et d’inconfort.

La sténose rachidienne cause des douleurs qui peuvent ressembler à celles dues à la maladie des disques lombaires, mais elle influence la posture et le mouvement de façons très différentes. Comme nous allons le voir, ces différences doivent être prises en considération dans notre enseignement des arts internes de santé Tai Chi TaoïsteMC.

L’examen des différents profils de maladie est toujours instructif; il montre qu’il est essentiel de tenir compte du caractère unique de l’état de chaque personne. Ce qui vaut pour l’un ne vaut pas nécessairement pour l’autre. Chaque personne fait face à un ensemble de conditions particulières qui lui est propre, et elle collabore avec son instructeur pour faire le point sur son état et rechercher la meilleure façon de progresser.

La moelle épinière des adultes est beaucoup plus courte que la colonne vertébrale. Elle se termine au niveau de la première vertèbre lombaire (L1), où elle se partage entre les racines nerveuses lombaires et sacrées. Ces racines descendent sur une certaine distance dans la partie du canal vertébral formée par les vertèbres lombaires et sacrées, avant de ressortir par leur foramen intervertébral respectif. Dans cette partie du canal, elles forment un faisceau de fibres nerveuses, la cauda equina ou queue de cheval.

Pour agrandir l’image, cliquer sur celle-ci.

Figure 1 La moelle épinière se termine au niveau de la première vertèbre lombaire (L1) en formant un cône, et elle se partage entre les racines nerveuses qui forment la queue de cheval. Ces racines sortent au niveau de leur foramen intervertébral respectif. Il faut noter que les racines nerveuses sacrées sortent par des trous dans le sacrum. Le sac dural, qui abrite la moelle épinière et les racines nerveuses, se termine dans le canal sacré. À ce point, il est relié à un fil élastique, le filum terminale, qui sort du canal sacré pour s’attacher à la surface extérieure du coccyx. Netter, 2006, planche 160.

 

 

Il doit y avoir un espace suffisant dans le canal rachidien pour accommoder les racines nerveuses qui forment la queue de cheval, et le foramen intervertébral doit être assez grand pour ne pas gêner le passage des racines qui sortent de la colonne. Un resserrement du canal rachidien ou du foramen intervertébral cause une sténose rachidienne. La plupart du temps, les cas de pincement discal touchent ces deux passages.

La sténose rachidienne apparaît habituellement chez les gens de 60 ans ou plus – ordinairement à un âge plus avancé que pour les discopathies. Elle est due à des changements dégénératifs dans les structures qui forment les limites du canal et des foramens. Les disques intervertébraux créent dans le canal des hernies qui compriment les racines nerveuses. La détérioration progressive d’un disque réduit l’espace entre les corps vertébraux, ce qui raccourcit la colonne et réduit l’ensemble de l’espace disponible à l’intérieur du canal rachidien. Des aspérités osseuses (ostéophytes) se forment au niveau des corps vertébraux ou des articulations des facettes vertébrales et s’avancent dans le canal. Le ligament jaune qui suit l’aspect postérieur du canal rachidien s’épaissit en se rétrécissant vers l’intérieur. Les articulations de facettes vertébrales rétrécies à cause de l’usure (arthrite) se tassent peu à peu les unes sur les autres, ce qui réduit encore davantage le volume du canal rachidien et des foramens.

Figure 3 Section transversale d’une vertèbre lombaire vue d’en haut, montrant les limites du canal rachidien et du foramen intervertébral. Netter, 2006, planche 170.

Ces changements surviennent habituellement à plusieurs niveaux dans la colonne lombaire. Ils compriment l’espace occupé par les racines nerveuses, augmentant ainsi l’encombrement au niveau des nerfs et de leur alimentation sanguine, ce qui a pour effet principal des douleurs dans le dos et les jambes, ou encore des sensations de piqûres et de faiblesse dans les jambes.

L’une des différences marquantes de la sténose rachidienne, par rapport à la discopathie, est que la douleur augmente quand le sujet marche ou se tient debout, et qu’elle s’atténue quand il s’assoit ou se penche vers l’avant. Cela s’explique facilement, sachant qu’une position debout ou allongée de la colonne réduit la section du canal lombaire et du foramen intervertébral :

  • en rapprochant les anneaux des arches osseuses qui sont reliées à la face arrière des corps vertébraux;
  • en relâchant et en rétrécissant vers l’intérieur le ligament jaune qui recouvre la paroi arrière du canal rachidien;
  • en fermant les articulations des facettes vertébrales qui se chevauchent comme les bardeaux d’un toit.

Inversement, une flexion avant complète de la colonne lombaire agrandit l’espace interne du canal rachidien et augmente le diamètre du foramen intervertébral de 19 % par rapport à une position debout sans flexion.

Comme le canal rachidien et les foramens sont déjà comprimés par la sténose rachidienne, ce rétrécissement supplémentaire produit par la position debout cause des douleurs et ainsi, la personne affectée adopte une position penchée vers l’avant.

Revoyons maintenant une image déjà présentée dans le cadre de notre examen de la maladie des disques lombaires :

Figure 4 Une flexion avant au niveau du bas du dos (image de droite) ouvre le foramen intervertébral et les articulations des facettes vertébrales, et elle agrandit le canal rachidien – ce qui est bien pour quelqu’un qui souffre d’une sténose rachidienne. Cette flexion pousse également le disque vers l’arrière, vers les nerfs qui passent à l’intérieur du canal rachidien – ce qui n’est pas si bien pour quelqu’un qui souffre d’une discopathie. Inversement, l’extension du bas du dos (image de gauche), qui augmente sa courbe vers l’arrière, augmente le confort dans le cas de la maladie des disques lombaires en poussant le disque vers l’avant de manière à l’éloigner des nerfs, mais elle aggrave la sténose rachidienne en réduisant l’espace dans le canal et les foramens. Neumann, 2010, page 355.

Ainsi, contrairement aux personnes souffrant de discopathie chronique, les étudiants qui souffrent de sténose rachidienne préfèrent se pencher vers l’avant au niveau de la taille et peuvent éprouver de grandes difficultés à se dresser complètement debout. Toutefois, ils n’ont pas de peine à faire l’enchaînement assis, le salut de l’ouverture et de la fermeture du tai chi, ou encore l’Aguille au fond de la mer – toutes choses qui peuvent être difficiles pour quelqu’un souffrant d’une hernie discale.

Les personnes qui souffrent d’une sténose progressive adoptent graduellement une position penchée vers l’avant de façon persistante. Les tissus mous malléables passant par l’avant du corps commencent alors à se raccourcir et offrent une résistance croissante à tout effort soutenu de redressement (« élévation de l’esprit »). Peu à peu, la position inclinée vers l’avant crée ses propres problèmes. Pour regarder vers l’avant, il faut alors redresser un peu la tête vers le haut, ce qui crée une tension au niveau du cou. Les divers mouvements de la cage thoracique, du diaphragme, des poumons, du coeur et des organes digestifs, qui sont normalement libres et fluides, sont alors entravés par une inclinaison croissante vers l’avant. On note également une détérioration de l’équilibre.

De plus, l’étudiant peut avoir besoin de faire des pauses pendant l’enchaînement à cause de la douleur croissante. La sténose rachidienne entrave souvent la circulation sanguine des racines nerveuses à l’intérieur du canal. Or, le mouvement augmente la demande métabolique pour ces nerfs et il requiert un plus grand débit sanguin; un tissu actif qui manque de sang est une source de douleurs.

On ne peut jamais prévoir le rythme du développement de la sténose chez une personne donnée, ni sa gravité éventuelle. Elle peut se traduire par une simple gêne ou entraîner de tels problèmes d’invalidité qu’il faut alors envisager une intervention chirurgicale de décompression.

Notre tâche est de tenter de prévenir et d’inverser le processus de raccourcissement des tissus mous et l’état de posture perturbée, qui caractérisent le développement de cette maladie. Et cela, tout en maintenant la force, l’endurance, la souplesse et la capacité d’équilibre du reste de l’organisme.

1. Atlas of Human Anatomy, 4e édition, 2006, Frank H. Netter, Saunders Elsevier, ISBN-13: 978-1-4160-3385-1

2. Kinesiology of the Musculoskeletal System, Foundations for Rehabilitation, 2e édition, 2010, Donald A. Neumann, Mosby Elsevier, ISBN 978-0-323-03989-5

Bruce McFarlane, MD

© 2010 Société de tai chi taoïste du Canada

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